Image may be NSFW.
Clik here to view.
J’ai lu un album passionnant, le quatrième tome de Masqué, bande dessinée de Serge Lehman et Stéphane Créty, sorti récemment. Il parle d’un super-héros né, dans un Paris rêvé et futuriste, d’un mystérieux Plasme qui matérialise l’inconscient de la ville. On retrouve les conceptions antiques qui donnaient à chaque ville un génie constitué de ce qui collectivement habitait l’âme du peuple. Cependant, on est proche ici de la psychanalyse : le Plasme ressemble à une force aveugle et élémentaire ; il n’est pas clairement relié à la divinité. Il est une simple puissance magique d’origine inconnue.
Clik here to view.

Serge Lehman rappelle avec un certain génie que le super-héros est une œuvre d’art vivante, un symbole animé, un mythe vrai. Mais je regrette que l’agent obscur qui donne vie au rêve soit laissé complètement dans l’ombre. Personnellement, je songe toujours, à ce sujet, au mythe de Pygmalion, lequel sculpte une femme idéale qui s’éveille au jour grâce à l’intervention d’Aphrodite, que le sculpteur a priée. Carlo Collodi, dans son Pinocchio, a repris cette idée par la fée bleue qui transforme la célèbre marionnette en être vivant et qui est l’émanation d’une étoile que Gepetto a également priée. Plusieurs auteurs ont osé clarifié leur sentiment, à cet égard. En France, Villiers-de-L’Isle-Adam affirme que le robot forgé par Edison est habité par un esprit interplanétaire, dans son Ève future. Et les super-héros américains eux-mêmes émanent souvent d'entités cosmiques extraterrestres qui confinent au divin : Green Lantern, par exemple. Cela n'est pas laissé dans l'obscurité, l'inconnu : il n'y a pas d'agnosticisme de principe dans la mythologie du super-héros, en Amérique ou au Japon, et il est à mes yeux dommage qu'à cet égard l'Europe et en particulier la France en restent à une forme d'affectation qui laisse leur production en réalité en retrait - l'agnosticisme en mythologie n'ayant au fond pas de sens.
L’album de Lehman et Créty, tel qu’il est, demeure excellent. Le dessin donne au héros une majesté et une noblesse impressionnantes. D’ailleurs le Plasma crée aussi des monstres maléfiques, et c’est judicieux - voire génial. Il s’ensuit des combats grandioses !
Le Paris de Masqué, transfiguré, devient une cité de légende. À la fin de l’histoire, le héros annonce que d’autres villes d’Europe vont bientôt être dans ce cas.
Remarquons qu'il existe déjà depuis longtemps un Captain Britain : il veut sans doute parler de l'Europe continentale. Et puis il ne faut pas oublier les autres villes de France, qui ont toutes droit à la matérialisation au sein du Plasme. J'entends déjà parler d'un super-héros grenoblois, Elementar, dont je dirai quelques mots à l'occasion.
L’art est libre. Le statut officiel des cités ne doit pas le gouverner. Comme disait Flaubert répondant à son ami Du Camp assurant qu’à Paris seulement était le souffle de vie, l’Esprit est partout. J’ajouterai : tout comme le Plasme.